Lettre reçue d’un lecteur de Plougonvelin, M. Yvon Allain

La Némésis en 1894
La Némésis en 1894 (cliquez pour agrandir) (Photo Musée de Nantes)

 

 

 

Le professeur Yvon Allain a formé au Lycée Naval de Brest une vingtaine de promotions de futurs élèves de l'Ecole Navale. Il m’a fait parvenir cette lettre de Plougonvelin (Finistère). Je me plais à croire qu’elle a été dictée à bord de la Némésis par le mousse Younig Poulizan à un marin sachant écrire.

 

En mer, le mardi 26 juillet 1898

 

Mes chers Parents,

 

J’ai embarqué avec Morvan Cloître, mousse à bord de La Némésis ! Aussi avide que lui d’aventures, l’âme et le corps chevillés au navire commandé par le capitaine Louis Aurélien que nous appelons « Le Bachelier ». Nous nous sommes fondus dans l’équipage, des marins aguerris : Gaborit le second, Pierric, oncle de Morvan, Kerbrat, Kersaouen et les autres…

J’ai été initié à la navigation du trois-mâts, ses aléas, les finesses de la maîtrise d’un grand voilier. J’ai découvert l’activité commerciale transatlantique liée au sucre des Antilles. La recherche d’une cargaison de cette denrée à rapporter à Bordeaux nous a fait connaître Gabriela Hernández. La séduisante cubaine de mère française, diplômée d’une université « états-unienne » (sic) cogère avec son père une plantation de canne à sucre à Cuba …Notre capitaine est aussi homme à s’enflammer !!!

J’ai été témoin des cruautés de la guerre hispano-américaine, sur terre et sur mer, pour le contrôle de Cuba, alors que s’annonce le 20ème siècle.

Notre capitaine est vraiment le maître à bord après Dieu ! Il connaît les arcanes des relations entre les hommes. C’est un vrai chef. Et quand, entreprenant son retour vers la France, La Némésis aperçoit le signal « Préparez-vous au transbordement d’un passager », l’émotion m’a étreint, Gabriela, Louis …

L’aventure, si belle pour moi, allait déjà s’achever … La tête chargée de fantastiques souvenirs, le cœur gros d’une fin qui s’annonçait en quittant les côtes américaines, Morvan et moi devenus de vrais marins, allions retrouver, trop vite mais combien heureux, la pointe Saint Mathieu à Plougonvelin …

 

Votre fils, le mousse Younig Poulizan